vendredi 7 septembre 2007

«Nous»

5 septembre 2007 par Joseph Facal

Mine de rien, Pauline Marois vient de poser son geste le plus significatif depuis qu’elle a entrepris la reconstruction de son parti.

Trois idées avaient jusqu’ici constitué le coeur du nouveau discours de Pauline Marois: écouter davantage, viser la prospérité économique et parler du pourquoi de la souveraineté plus que de son comment.

Des idées toutes simples, mais fortes et claires. Qu’elles aient été accueillies comme une bouffée d’air frais montre à quel point le Parti Québécois a entretenu une relation complexe avec le bon sens ces dernières années.

Mercredi dernier, dans le discours qui lançait sa campagne électorale dans Charlevoix, Pauline Marois a subitement fait monter les enchères. Elle a prononcé un tout petit mot qu’on n’avait pas entendu dans la bouche d’un leader souverainiste depuis le soir du référendum de 1995: nous.

Briser le tabou

«Nous», mot devenu tabou parce qu’il avait, ce soir-là, été utilisé dans un contexte et d’une façon qui donnait à penser que les seuls bons Québécois étaient les souverainistes qui avaient voté oui. Même si absolument rien dans la vie de Jacques Parizeau jusque-là n’indiquait que cet homme puisse jamais avoir été habité par la xénophobie.

Dans le discours de Pauline Marois, dire «nous», c’est oser nommer, oser dire qu’au sein de la nation québécoise, il y a une majorité franco-québécoise, forgée par 400 ans d’histoire, qui se considère très légitimement comme le coeur de cette nation.

Évidemment, les réactions prévisibles n’ont pas tardé, venant des milieux habituels: terrain glissant, repli sur soi, clivage entre «nous» et «eux», etc.

Le calme est ici de mise.

Il est vrai que, placée entre de mauvaises mains, l’évocation de l’existence d’une majorité francophone peut devenir explosive. Mais jusqu’ici, rien de tel au Québec.
Le premier, Mario Dumont, sans jamais dépasser les bornes, a voulu se faire l’écho du sentiment majoritaire, mais en s’abstenant de présenter le moindre énoncé de politique un peu substantiel.
On cherche cependant les torts durables causés à la société québécoise.

Nommer les évidences

Il est temps que le débat public fasse plus de place à quelques évidences.
Les droits des minorités s’arrêtent là où commencent ceux de la majorité et vice versa. Comment trouver ce point d’équilibre en perpétuel déplacement si on interdit à la majorité de simplement se nommer?

Cette majorité francophone n’a d’ailleurs ni à s’effacer ni à recevoir des leçons d’ouverture de quiconque: depuis 400 ans, elle accueille et intègre des Ryan, des Johnson, des Postigo, des Orsini et des Facal.

Il crève toutefois les yeux que plusieurs communautés d’arrivée plus récente revendiquent aujourd’hui le droit de recréer intégralement ici le mode de vie de leur pays d’origine.

Désolé, mais si l’intégration n’est pas l’assimilation, elle implique néanmoins, pour être effective, le renoncement aux valeurs les moins compatibles avec celles de la société d’accueil.

À mon humble avis, peut faire partie de ce «nous» quiconque a choisi de faire sa vie au Québec, accepte que la langue commune de cette société doit être le français, et se fait solidaire de 400 ans d’efforts pour préserver une société distincte dans un contexte difficile.

Pour se joindre à ce train en marche, rien de tout cela n’implique qu’il faille être né ici ou, encore moins, être souverainiste.

Alors il est où le problème?