mercredi 1 octobre 2008

La pertinence du Bloc québécois


Paul Piché, Auteur-compositeur
Réjean Bergeron, Philosophe

Édition du lundi 22 septembre 2008

Ceux qui, à chaque élection, remettent en question la pertinence du Bloc québécois font preuve de suffisance et d'un certain mépris à l'endroit de tous les Québécois qui, d'élection en élection et de manière parfaitement démocratique, élisent depuis 18 ans ce parti souverainiste à Ottawa. Comme si les Québécois avaient voté sur un coup de tête dans le passé et qu'ils n'avaient de cesse de répéter leur erreur. Nous voulons répondre ici à ceux qui oublient.

Le Bloc, faut-il le rappeler, est porteur d'une blessure, d'une cicatrice infligée par l'histoire, par les fédéralistes, celle du rapatriement de 1982 et de l'échec de l'Accord du lac Meech. Ainsi, le Bloc, contrairement à ce que l'on dit, n'est pas uniquement là pour défendre les intérêts des Québécois, mais aussi pour marquer la présence d'une proportion importante de Québécois qui ne se reconnaissent plus dans le Canada, qui veulent en sortir et qui se souviennent... La présence du Bloc n'est donc pas un accident de parcours, encore moins un caprice, mais le résultat d'un long processus historique, de notre histoire que l'on est porté à oublier.

Un handicap pour la fédération

Les fédéralistes, eux, sont particulièrement enclins à oublier, parce que si le rejet de la spécificité québécoise demeure une blessure pour les Québécois, il est un handicap important pour les fédéralistes qui ne tentent même plus de justifier notre maintien dans une fédération qui n'a jamais voulu sérieusement nous reconnaître.

Plus un politicien, plus un chroniqueur ne nous vante les mérites de cette fédération, leur argumentaire se limitant souvent au fait que les Québécois ne veulent pas de référendum. On décortique des sondages, on analyse le manque de ferveur et, si la cause souverainiste connaît un regain, on en relativise la portée. Mais de véritables défenseurs du Canada, il n'y en a plus. L'inutilité du Bloc, son vieillissement ou l'impossibilité pour lui de prendre un jour le pouvoir sont des éléments de ce pauvre arsenal qui reste aux fédéralistes et qui s'inscrit bien dans cette stratégie d'évitement des vrais enjeux.

Un rôle à jouer

Le Canada aurait-il répondu aux attentes traditionnelles du Québec sans que l'on s'en rende compte? La Constitution aurait-elle été signée en catimini par l'Assemblée nationale, y aurait-on enchâssé les concepts de société distincte ou encore de nation québécoise comme par magie? Non! D'où la présence et la pertinence du Bloc à Ottawa.

Mais en attendant, même s'il ne sera jamais au pouvoir, cela ne veut pas dire que le Bloc n'a pas un rôle à jouer à Ottawa. Car si le Bloc n'avait pas été là au cours des dernières années, qui aurait exprimé cette fracture, qui aurait véhiculé et fait entendre les valeurs des Québécois, leurs aspirations fondamentales sur la scène fédérale?

En agissant pour Kyoto, le déséquilibre fiscal, le registre des armes à feu, la guerre en Irak et en Afghanistan et en poursuivant son travail aujourd'hui au sujet de l'application de la loi 101 dans les institutions fédérales au Québec, de la censure au cinéma et des compressions dans le secteur culturel, le Bloc est le seul réel représentant, non seulement des valeurs québécoises mais aussi des divers consensus qui se dégagent à l'Assemblée nationale du Québec. Par essence, les autres partis fédéralistes sont inaptes à jouer un tel rôle. D'ailleurs, ils n'ont aucune crédibilité lorsqu'ils tentent de le faire.

Impertinent?

Aux yeux des fédéralistes québécois, le Bloc est un impertinent simplement parce qu'il les oblige à aller, sinon au bout de leur logique, au moins au bout de leurs revendications. Aujourd'hui, le premier ministre du Québec Jean Charest nous ramène le hochet de la souveraineté culturelle. Croit-il vraiment que cette revendication pourrait faire son chemin à Ottawa sans le Bloc? Ce sont d'ailleurs eux qui permettent au Bloc de courtiser le vote fédéraliste puisque aucun autre parti sur la scène fédérale ne voudra défendre le dossier de la souveraineté culturelle même s'il est porté par le premier ministre du Québec en personne.

Au début de la campagne électorale, le chef de l'ADQ, Mario Dumont, faisait de la reconnaissance de la nation québécoise dans la Constitution du Canada une priorité. Gilles Duceppe, le prenant au pied de la lettre, et appuyé par Pauline Marois et le PQ dans sa démarche, l'a aussitôt mis au défi de déposer une motion à l'Assemblée nationale, promettant que si la motion était adoptée, il se ferait un devoir de la faire suivre à Stephen Harper à la Chambre des communes afin que les belles paroles de ce dernier sur la reconnaissance de la nation québécoise aillent au-delà du symbole. Oups! Tout à coup, Dumont déclare que ce dossier n'est plus prioritaire pour lui...

Expression de la nation

Ainsi, le Bloc québécois a comme fonction de faire tomber les masques, d'immuniser les Québécois contre le chant des sirènes au service d'Ottawa qui depuis toujours tentent de berner la population.

Mais n'oublions pas, avant tout, que le Bloc québécois est la seule expression politique de ce que nous avons nommé la «nation québécoise». Si cette nation existe, il est tout à fait légitime qu'elle ait une voix dans un Parlement à qui elle laisse, pour l'instant, le soin de gérer une bonne partie de son avoir, tout en caressant le rêve, un jour, d'en assumer seule la gouvernance. Quant à nous, nous voterons pour le Bloc québécois le 14 octobre.