dimanche 30 mars 2008

Lettre au Premier ministre du Québec

Depuis de nombreuses années, même avant que le Parti Libéral prenne le pouvoir en 2003, il n’est pas rare d’entendre les politiciens parler de programmes servant à encourager les assistés sociaux à retourner sur le marché du travail. Même encore dernièrement, lors du dévoilement du dernier budget provincial par madame Monique Jérôme-Forget, Ministre des finances, il était question d’argent injecté spécifiquement pour cette cause.

Pouvons-nous dire avec certitude que des programmes existent véritablement ? Si le gouvernement dépense de l’argent pour aider les gens démunis à retrouver leur vie, ou va cet argent, de quelle façon est-il administré ?


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Monsieur le Premier ministre Jean Charest
Édifice Honoré-Mercier, 3e étage
835, boulevard René-Lévesque Est
Québec (Québec) G1A 1B4

Monsieur le Premier ministre,

Le gouvernement offre des programmes d’aide financière visant la réinsertion au travail dans l’objectif d’inciter les prestataires d’aide sociale à envisager un avenir plus prometteur. Par la présente, j’aimerais démontrer certaines lacunes importantes qui limitent les citoyens et citoyennes les plus désireux d’entreprendre une démarche d’intégration à l’emploi. Je souhaite illustrer l’urgence de réévaluer le soutien apporté à ceux et celles qui vivent aux dépens des services d’aide gouvernementaux. C’est pourquoi, dans les quelques lignes qui suivent, vous aurez un résumé de mon expérience personnel par rapport au soutien que vous m’allouez et des problématiques auxquelles je fais face. Ainsi, vous pourrez constater à quel point les citoyens et les citoyennes sont dans l’impasse lorsque nous voulons améliorer notre avenir, que notre bonne volonté et nos espoirs se frappent souvent à un mur quasi infranchissable.

D’abord, j’ai 48 ans, cuisinier de profession, j’habite seul et je suis célibataire ayant pour seule famille, une sœur qui réside à l’extérieur du pays. Sans l’aide de cette dernière, durant la période que je m’apprête à décrire, je n’aurais probablement jamais survécu. Pour des raisons de santé, j’ai été contraint de me retirer du marché du travail. Incapable de travailler debout durant de longues heures, mes fonctions étaient devenues irréalisables. Par conséquent, ma situation s’est graduellement aggravée. Au cours des cinq dernières années, j’ai dû compter sur le programme d’aide financière de dernier recours pour survivre. À un moment où j’aurais dû mordre à pleines dents dans la vie, c’est vers l’isolement presque total que je me suis tourné, provoquant de multiples épisodes de dépression. Durant cette période, les frais que le gouvernement a du déboursé pour moi seul, en soins cliniques et hospitaliers ainsi qu’en médications ont du être astronomiques.

L’isolement aura au moins apporté un aspect positif à ma vie. J’ai fini par m’intéresser à la retouche image et à la mise en page. Considérant l’infographie comme un travail que je pouvais exercer en position « assise », c’est au printemps 2007 que l’idée de suivre un cours dans ce domaine a fait son chemin. J’ai consulté un agent du Centre d’Emploi qui m’a recommandé à une conseillère en orientation. Ensemble, nous avons déterminé sans équivoque que le choix que je venais de faire me convenait parfaitement. Emploi Québec a accepté de m’appuyer dans ma démarche et le 27 août 2007, j’amorçais mes cours au Centre de formations professionnelles Calixa-Lavalée à Montréal-Nord.Au cours de cette longue et pénible période d’inactivité qui a précédé le retour aux études, le programme financier de dernier recours, m’accordait un montant de 115$ par mois, justifié par une contrainte temporaire au travail. Ajoutez ce montant au 570$ de base, c’est avec 685$ que je devais arriver à boucler mon budget mensuel. En accédant aux cours d’infographie, le Centre Local d’emploi se voyait dans l’obligation de reconsidérer ma situation. La contrainte à l’emploi ne s’appliquant plus, on devait ramener les prestations au montant de base.

En revanche, l’aide d’Emploi Québec pour un retour aux études se traduit par une contribution de 184$ chaque mois. Une partie de ce montant couvre les frais de transport, soit la carte mensuelle CAM (Autobus-Métro) à 66,25$. Le reste (117,75$), c’est pour aider l’étudiant à mieux vivre. Je suis reconnaissant qu’on me donne l’opportunité de me rendre chaque jour à l’école via le transport en commun, mais une fois le coût de la CAM absorbé, c’est un supplément de 2,75$ que m’accorde le gouvernement, en comparaison avec ce qu’on m'allouait avant la formation. Permettez-moi de douter, monsieur le Premier ministre, de l’aide que prétend apporter votre gouvernement aux personnes désireuses de changer leur situation. En poursuivant la lecture, vous comprendrez sûrement pourquoi le reste de ma formation est sérieusement menacé.

Tout récemment, j’ai consulté Madame Doris Gervais, responsable de l’Aide financière aux adultes de la Commission scolaire de la Pointe-de-l’île. Elle a procédé à une simulation comptable pour en venir à la conclusion que si je décidais d’abandonner les prestations d’aide sociale et le mince appui d’emploi Québec pour me tourner vers un prêt et bourse accordé par votre ministère, je me retrouverais avec 20$ de moins par mois, en plus d’avoir à rembourser environ le tiers du montant accordé. Madame Gervais a également déterminé que la demande de dérogation est impensable dans mon cas, puisque je reçois par le Centre d’Emploi et Emploi Québec, le maximum alloué pour un adulte aux études.

Malgré ses inquiétudes, ma grande sœur ne peut plus m’apporter son aide. Sachant que je suis sur la bonne voie, elle souhaiterait sincèrement me soutenir jusqu’à la fin de ma formation. Malheureusement, c’est devenu impossible. Je me retrouve comme bien d’autres, contraint à vivre avec comme seul montant, l’aide financière que nous offre l’état. J’ai la chance d’avoir un propriétaire qui a hérité de son édifice à logements il y a très longtemps. Les logements salubres à 455$ par mois sont extrêmement rares à Montréal. J’ai une entente avec Hydro-Québec qui me permet de débourser un peu moins chaque mois durant cette période difficile. Dans les semaines à venir, quel sera le bon choix lorsque viendra le temps de choisir entre un paiement de 70$ ou le même montant pour un sac d’épicerie ? Une fois le loyer, la CAM et l’électricité payés, c’est 162$ qu’il me reste pour le mois. J’ai rencontré plusieurs intervenants au cours des dernières semaines qui tentent de me venir en aide. On m’encourage à tenir bon et à persévérer jusqu’à la fin. On m’a soumis une liste des différents organismes d’aide alimentaire de quartier.

Je doute que ce soit suffisant. J’ai encore neuf mois de formation devant moi et je m’imagine mal continuer de cette façon. Je fonctionne un jour à la fois en espérant que demain suffira à mes besoins de base. Le contexte est loin d’être idéal pour les études, mais j’arrive tout de même à me retrousser les manches pour améliorer mon sort. Je suis parmi les premiers de classe et les nouvelles connaissances que j’absorbe chaque jour se transforment en passions. Malgré tout cela, j’ai dramatiquement besoin d’aide.

À mon avis monsieur le Premier ministre, il existe un grave problème dans votre régime d’aide financière aux études. Je suis loin d’être le seul dans cette situation. Je suis plus âgé que la moyenne des étudiants qui m’entourent et je vois des jeunes gens et des moins jeunes remplis de belle volonté, qui tirent le diable par la queue pour survivre. Je ne souhaite pas retourner au point zéro. J’aimerais retrouver cette autonomie qui me permettrait de cesser de vivre au crochet de la société. Je vous implore de revoir la réforme du programme et l’injection des fonds nécessaires aux élèves pour la réussite de nos études. Existe-il d’autres ressources que nous ignorons ? Personne autour ne semble avoir la réponse. Pour le moment, la seule constatation véritable, c'est qu'il n'existe aucun chemin autre que la souffrance excessive pour avoir droit à un avenir.

Veuillez agréer, monsieur le Premier ministre, mes sentiments les plus distingués.

Serge Verdon

Copies conformes:
Michelle Courchesne, Ministre de l'éducation, du Loisir et du Sport, Ministre de la famille
Mario Dumont, Chef du parti ADQ, Chef de l'opposition officielle
Pauline Marois, Chef du Parti Québécois
Nicolas Girard, député (P.Q.) de Gouin (Rosemont – La-Petite-Patrie)
Doris Gervais, conseillère à l'aide financière aux adultes (CSPI)
Pierre Boudreau, Directeur, Centre de Formations Professionnelles Calixa-Lavallée
Antonio Bernardelli, Directeur général de la Commission scolaire de la Pointe-de-l'Île

lundi 3 mars 2008

Commentaire sur le Blog de Joseph Facal

Bonjour M. Facale

J’ai écouté Tout le monde en parle dimanche soir dernier et j’ai bien apprécié vos interventions concernant les idéaux qui vous poussent à penser que le Québec serait mieux s’il se gérait par lui-même. Vous avez soulevé plusieurs points intéressants, surtout lorsque vous avez parlé de l’identité québécoise qui prendrait forme encore plus rapidement dans la mesure où le Québec n’avait que lui-même à blâmer pour ses propres erreurs.

Je me considère souverainiste depuis belle lurette et les raisons pour lesquelles je nous identifie d’abord et avant tout comme un peuple à part entière, avant de nous percevoir comme une province à l’intérieur d’un pays, ont bien changé après toutes ces années.

Tout d’abord, début vingtaine, c’était la langue, l’identité, la différence qui stimulaient mes intentions. Un peu plus tard dans ma vie, c’était probablement l’intolérance et l’incompréhension, non seulement des différents gouvernements, autant fédéraux que provinciaux, mais aussi de l’ensemble des citoyens et citoyennes des autres provinces canadiennes. Je n’oublierai jamais l’amour qu’on nous a porté la veille du référendum de 95. Ces gens ne comprendront probablement jamais à quel point l’humiliation fut vive devant cette hypocrisie de dernières minutes.

Mais au-delà de toutes ces raisons, j’en suis venu à me demander pourquoi les Canadiens s’entêtaient à considérer une structure vielle de plus de 400 ans comme étant la seule et la meilleure qui soit ? Les ancêtres québécois et canadiens ont procédé du mieux qu’ils pouvaient à une époque où la communication était bien difficile entre les différentes nations. Pas d’Internet, pas même de téléphone. Avec les données disponibles, on devait structurer un pays aussi grand et vaste que le Canada.

Il existe trois pays aussi étendus en territoire que le Canada. J’envie aucun d’entre eux. Plus le pays est large, plus sa gestion nécessite un nombre plus important d’effectifs. Plus les effectifs sont nombreux, plus la corruption est répandue. Vous vous rappelez de l’épisode dans l’article du Journal de Montréal qui mentionnait la disparition fréquente et régulière d’ordinateurs dans les bureaux fédéraux à Montréal ? Le gardien de sécurité avait dit ne pas s’en mêler de peur d’être congédié. Minimisons l’importance du vol et calculons un simple crayon de mine qui disparaît chaque jour dans la poche de chacun des fonctionnaires qui travaillent pour le gouvernement fédéral, du B-C à la Nouvelle-Écosse. Même pas besoin d’inclure un scandale comme celui des commandites ou l’histoire des enveloppes à Brian qu’on est déjà perdants. Ajouter à cela les salaires de tous ces bureaucrates, leurs dépenses, celles de leurs patrons, les salaires et dépenses des politiciens, de notre gouverneure générale… J’en passe très certainement et on a même pas encore effleuré l’aspect provincial.

Je n’arrive pas à comprendre comment les gens font pour en arriver à ne pas considérer cet aspect de la situation canadienne. Si on éliminait l’entité centrale et qu’on laissait les provinces se gérer elles-mêmes, il en coûterait probablement beaucoup moins à tout le monde. Considérons le regroupement de certaines provinces pour avantager les moins fortunées. Est-ce que je suis dans l’erreur en pensant ainsi ?

Je ne suis pas dupe, comme vous le disiez vous-même dimanche soir, le Québec ne deviendrait pas parfait parce qu’il serait souverain. La corruption existerait, c’est certain mais à plus petite échelle. Au lieu de voir tous les fonctionnaires fédéraux et provinciaux partir avec un crayon de mine le soir en quittant le travail, on limiterait le problème aux nôtres. On augmenterait probablement nos effectifs en devenant indépendant, mais jamais on approcherait le total de fonctionnaires nécessaires au fonctionnement du Canada entier et de la province. C’est tellement ridicule de devoir payer deux fois plutôt qu’une pour qu’on me dirige.

Je n’arrive pas à m’exprimer aussi bien qu’un politicien ou à comprendre les choses au même rythme qu’un universitaire mais j’ai vraiment peine à comprendre pourquoi les militants de la cause souverainiste n’exploitent pas davantage cet aspect de notre situation. À mon avis, les gens ont besoin de concret. Proposez leur des chiffres en leur disant voilà combien il y a de fonctionnaires au Canada. Voilà combien vous avez à payer en salaires pour la totalité des gens qui travaillent dans les bureaux gouvernementaux fédéraux à travers le pays. Sortez les cas de corruption, de vols d’équipement, à Vancouver, à Québec, à Edmonton, à Montréal, même ceux dans nos bureaux provinciaux et additionnez-les. Regroupez tout et parlez-en sans arrêt.La langue est importante, certes, nos valeurs québécoises valent la peine d’être protégées et le Québec a très certainement besoin de prendre ses propres responsabilités pour passer de l’adolescence à l’âge adulte. On n’arrête pas de parler de ça, c’est important…

Mais en parlant sans arrêt de tout ce gaspillage, de toutes ces dépenses inutiles, de cet argent que nous garderions ici pour la faire nous-même fructifier, On ne parle pas seulement au Québécois de souche. Nous parlons à celui qui est arrivé au pays il y a deux ans, trois ans, à celui qui habite le Québec depuis une dizaine d’années, à l’anglophone, l’allophone… La vieille phrase « Il ne faut plus envoyer notre argent à Ottawa » est désuète ? Utilisons d’autres mots, tout simplement. Surtout, il faut du concret, il faut des chiffres, des preuves et regrouper sans cesse les évènements sans jamais arrêter d’en parler.

Une chose est certaine, Dieu sait que les fédéraux libéraux et conservateurs font tout en leur pouvoir pour nous aider depuis quelques années… Je trouve ça moche qu’on n’en profite pas plus qu’il faut, trop occupé à parler de notre identité.