samedi 27 janvier 2007

Au nom d’un Dieu Franco Nuovo (Journal de Montréal éditorial du 08-09-06)

Quel fouillis ! On a rêvé d’une société et d’un système d’enseignement laïques. On y était presque arrivé, mais depuis quelque temps on fait marche arrière à vitesse grand V.
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Au cours des derniers mois, on a eu droit à des histoires de turban, de kirpan, de voile dans les écoles, de permission de prières accordée aux musulmans sur une base régulière à l’École de technologie de Montréal. Voilà maintenant, nous apprenait la journaliste Émilie Dubreuil de Radio-Canada, qu’une école juive hassidique de l’arrondissement d’Outremont ne donne à ses étudiants du secondaire aucune éducation générale laïque, mais seulement des cours de religion. Pas de français, ni de biologie, ni d’histoire… que l’étude du Talmud.
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Le programme est légal, dit-on, puisque l’institution ne touche aucune subvention pour ses élèves. Or, la loi de l’instruction publique stipule que les enfants résidant au Québec doivent fréquenter l’école de 6 à 16 ans. C’est là que le bât blesse. Le ministère de l’Éducation, qui marche sur des œufs dès qu’il est question de confessionnalité, de peur bien sûr de heurter les sensibilités, ne reconnaît pas tout à fait l’école Toldos Yakov Yosef comme un établissement d’enseignement. Reste que les gamins qui la fréquentent n’ont pour la plupart pas 16 ans, ne suivent donc aucun programme, et du coup leurs parents contreviennent à la loi. Mais on négocie…
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Inquiétant tout ça, parce que la permissivité de nos lois nous fait tomber ici dans des accommodements déraisonnables. Dans les circonstances et la mouvance actuelle pour une société aussi ouverte que la société québécoise, il y a péril si chaque arrivant se campe dans sa culture, ses croyances et sa religion. Il faut bien sûr s’en tenir à des principes de non-discrimination, mais en restant dans le respect des valeurs québécoises. Il n’y a pas d’alternative, il faut refuser les ghettos religieux de la même manière qu’on refuse les ghettos culturels. Le problème n’est pas tant la liberté religieuse que dans la présence des religions dans la sphère publique et les lieux d’enseignement. C’est par l’école qu’on instruit, mais aussi par l’école qu’on endoctrine. Pourquoi donc croyez-vous que les religieux de toutes les confessions s’en sont toujours emparés ? Il n’y a pas d’esprit plus facile à façonner que celui des enfants et des jeunes adultes. Croyez-vous que les responsables de l’école Toldos Yakov Yosef l’ignorent ?
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Le Québec a su se débarrasser de l’intégrisme catholique pour devenir une société presque laïque, il ne va pas aujourd’hui, au nom de la tolérance, subir la dictature de toutes les autres religions.
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Certains groupes plus fondamentalistes ignorent malheureusement les libertés de la majorité au profit des doctrines de la minorité. Il faut éviter toute confusion entre culte et culture au profit d’une intégration à ce Québec d’aujourd’hui qui se doit plus que jamais laïque.
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On doit mettre fin à cette multiplication de cas d’exception pour des raisons religieuses si on veut échapper à une montée de l’intolérance. En marchant sur des œufs et en négociant comme le fait dans ce cas précis le ministère de l’Éducation, on ouvre la porte à la marginalisation des uns et à la xénophobies des autres. On finira par provoquer la grogne populaire par la prolifération de ces dérogations parce que la majorité des Québécois qui se plie volontiers aux règles va finir par avoir l’impression de faire les frais de cette réorganisation sociale et, même, de ne plus se sentir chez elle. C’est déjà commencé.
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Si on vise l’intégration, et c’est bien de cela qu’il est question, Il faut que les nouveaux arrivants et certains groupes culturels abandonnent un peu d’eux-mêmes pour épouser les valeurs de la terre d’accueil. Tiens, pour paraphraser Napoléon : «Comme juif, musulman ou catholique vous n’avez au Québec aucun droit, mais comme Québécois vous les avez tous.»

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